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						Les origines du MRP
						 
							Les origines du MRP
						par Jacques MALLET 
 
						
							
								
									
								 
						Dans son livre sur "les forces politiques en France" Jacques Fauvet définissait le MRP 
						comme étant "le fils d'une tradition et d'un accident".
 
 L'accident historique ce fut la défaite de 1940 qui  a entraîné l'abdication de la IIIème République puis la Résistance et la victoire alliée qui ont ruiné le régime de Vichy,  
						discréditant ou éliminant ainsi deux équipes politiques :
 
						les tenants de la IIIème République et la droite "vichyssoise". 
						De ce fait un nouvel espace s'ouvrait devant l'équipe des résistants, porteurs d'un nouvel 
						idéal humaniste, social et démocratique, où les hommes du MRP n'étaient pas des ralliés mais 
						des fondateurs.
 Cet "accident" s'inscrivait dans une longue tradition qui parcourt toute l'histoire 
						politique de la France et de l'Europe depuis la fin du XVIIIème siècle : la tradition du 
						catholicisme libéral et plus tard la tradition du christianisme social.
 
 
 
 
						Les Catholiques libéraux      
						             
						             
						             
						         
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						La première a surgi avec la rupture que la révolution française, issue de l'idéologie rationaliste 
						des "Lumières", a provoqué entre la République et les Catholiques.A ses débuts la Révolution n'était pas hostile au catholicisme. Les représentants du clergé ont voté 
						la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'abolition des privilèges au cours de l'été 1789.
 La rupture commence en 1790 avec la "Constitution  civile du clergé". La terreur frappe les prêtres 
						réfractaires et ceux qui les abritent.
 
 Cette rupture, des hommes généreux, chrétiens ardents en même temps que démocrates convaincus, se 
						sont employés à la surmonter. C'est ce qu'ont fait, après la révolution de 1830, Lamennais, Lacordaire 
						et Montalembert, dont le journal "L'Avenir" avait pour devise "Dieu et la liberté".
 
 
 
							Lamennais se déclarait favorable à toutes les grandes libertés, de conscience, de la presse, des 
						associations, de l'enseignement. Il acceptait le principe de la souveraineté du peuple et le suffrage 
						universel. Il réclamait enfin la suppression du concordat et la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ces 
						idées étaient très en avance sur leur temps au sein d'une Europe monarchique et conservatrice. En 1832, 
						le pape condamna plusieurs des thèses du catholicisme libéral. Lamennais rompit alors avec l'Eglise. 
						Ses amis se soumirent, mais leurs idées continuèrent à se répandre dans les esprits.
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								| Ph. Roger VIOLLET |  
 La Révolution de 1848 , à la différence de celle de 1830, n'eut aucun caractère anti-catholique. On vit 
						un peu partout le clergé bénir la plantation "d'arbres de la liberté". Le Dominicain Lacordaire, grand 
						orateur aux idées sociales avancées, fut élu député et créa, avec son ami Ozanam, un grand journal 
						démocratique "l'Ere nouvelle". Ce mouvement riche d'espérance ne survécut pas malheureusement aux journées 
						sanglantes de juin 1848 et au coup d'Etat du 2 décembre 1851 créant le second Empire.
 
 L'alliance du trône et de l'autel se reconstitua à cette occasion et lorsque la IIIème république naquit - à 
						une voix de majorité - après la défaite de 1870 et l'échec de la tentative de restauration monarchique, les 
						républicains se heurtèrent à l'hostilité du clergé et adoptèrent des positions anti-cléricales.
 
 L'affaire Dreyfus déclencha ensuite une agitation anti-républicaine, à laquelle participa la grande masse 
						des Catholiques. Résultat : la formation d'un bloc des gauches et la politique anti-religieuse du gouvernement 
						d'Emile Combes de 1902 à 1905. L'idée s'est alors ancrée dans beaucoup d'esprits qu'on ne pouvait être à la 
						fois bon catholique et bon républicain. Le pape Léon XIII comprit le danger d'une telle situation et conseilla 
						aux Catholiques, en 1892, le "ralliement" sans arrière-pensée aux institutions républicaines.
 
 
 
 
						Les Catholiques sociaux      
						            
						            
						            
						             
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						Le catholicisme libéral était né du refus de la rupture entre le catholicisme et la démocratie. Il a, pour 
						l'essentiel, accompli sa mission historique, même si subsistent quelques difficultés à propos de la laïcité - 
						quand on  la transforme en laïcisme sectaire. La désignation pour la première fois de chefs de gouvernements 
						catholiques (Georges Bidault, Robert Schuman) au début de la IVème République montre bien qu'une page a été 
						définitivement tournée..
 Un autre courant du catholicisme français et européen est né du refus de la misère ouvrière dans les premiers 
						temps du capitalisme industriel au début du XIXe siècle. Il apparaît avec la "question sociale" sous le règne 
						de Louis Philippe. Il est loin d'avoir achevé sa tâche. Le problème de la pauvreté se pose aujourd'hui à 
						l'échelle du monde.
 
 Frédéric Ozanam - béatifié par Jean-Paul II - a ouvert la voie en France avec la création en 1833 de la 
						conférence de Saint Vincent de Paul qui a conduit une immense tâche d'assistance aux plus défavorisés. Armand 
						de Melun a regroupé autour de lui les partisans de la législation sociale et fait voter une série de lois 
						sociales en 1850-51 en particulier la limitation de la journée de travail pour les jeunes apprentis et 
						l'interdiction du travail de nuit avant 16 ans. Adepte du Catholiscisme social, fondateur en 1871 des "Cercles 
						Catholiques d'Ouvriers", Albert de Mun, député à partir de 1876, se fit le défenseur à l'Assemblée d'une 
						législation sociale avancée.
 L'industriel Léon Harmel, patron champenois d'une usine textile de 500 ouvriers, y met en œuvre des 
						réalisations sociales audacieuses : la création d'un syndicat, d'un conseil d'usine, d'une caisse d'allocations 
						familiales, de pensions de retraite, d'une pharmacie mutualiste, d'une école maternelle, ainsi que la suppression 
						du travail de nuit.
 
 Ces actions trouvent un nouvel élan en 1891 avec l'encyclique Rerum Novarum de Léon XIII sur la condition des 
						ouvriers, puis le développement de l'Action Catholique de la Jeunesse Française (ACJF), la création des "Semaines 
						Sociales" en 1904 ainsi que du syndicalisme chrétien. C'est l'époque des "abbés démocrates" qui 
						n'hésiteront pas à se présenter aux élections législatives. Le très populaire abbé 
						Lemire qui sera député du Nord de 1893 à 1928, l'abbé Gayraud, député du Finistère 
						de 1897 à 1911, le chanoine Desgranges, député du Morbihan de 1928 à 1940, sont les plus connus. 
						On vit même se créer à Lyon en novembre 1896 un parti démocrate chrétien qui ne dura, il est vrai, 
						que deux ans.
 
 
 
 
						Le Sillon                                                                                      
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						Ce fut surtout l'époque du "Sillon" de Marc Sangnier, - créé en 1894 dans la crypte de l'école Stanislas - 
						dont l'action, qui eut un extraordinaire rayonnement dans la jeunesse française, se situe au confluent des Catholiques 
						libéraux et des Catholiques sociaux.A l'origine essentiellement religieux, le "Sillon" - auquel Marc Sangnier 
						se consacre entièrement en 1898 - va devenir un large mouvement d'idées qui se bat pour promouvoir la démocratie, de 
						grandes réformes sociales, en même temps que les valeurs morales et spirituelles.
 Nul n'a fait plus que lui pour détacher le catholicisme de la droite conservatrice, alors incarnée par "l'Action française" de Charles Maurras. 
						Condamné par une lettre de Pie X le 29 août 1910 ("pour des idées qui n'étaient pas les vôtres" dira plus tard le 
						pape Benoît XV à Marc Sangnier)  l'élan puissant qu'avait imprimé le "Sillon" au monde catholique de ce temps a été 
						arrêté, mais n'a pas été brisé. Son action de formation a marqué toute une 
						génération. Marc Sangnier a été le père spirituel du MRP, dont il sera élu triomphalement, 
						à sa création, président d'honneur (nous renvoyons au sujet du "Sillon" au site Internet de l'Institut Marc 
						Sangnier :
						www.marc-sangnier.com).
 
 
 
 
						Le Parti démocrate populaire                                                 
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						Au lendemain de la guerre de 1914-1918 il n'y avait rien entre la droite respectueuse de l'Eglise mais conservatrice 
						et nationaliste et la gauche, progressiste et anti-cléricale, ou marxiste. Pour combler ce vide, que la Jeune République 
						créée en 1912 par Marc Sangnier, n'avait pu combler, des démocrates d'inspiration chrétienne fondèrent en 1924 le Parti 
						Démocrate Populaire (PDP). Mais le système électoral à deux tours broyant le centre "comme le froment entre deux meules", 
						pour reprendre l'expression de Georges Bidault, ne lui a jamais permis - avec un effectif de 18 députés - de devenir une 
						force politique importante, malgré la qualité de ses dirigeants (Champetier de Ribes, Raymond Laurent, etc..) et la 
						richesse de ses idées.
 L'entre-deux guerres a été également une période d'innovation et d'approfondissement philosophique qui a posé les jalons 
						de la doctrine dont s'est inspiré le MRP : le "personnalisme" d'Emmanuel Mounier, "l'humanisme intégral" de Jacques 
						Maritain, les réflexions publiées dans "l'Aube" créée par Francisque Gay - et dont l'éditorialiste talentueux était 
						Georges Bidault - ont préparé l'avenir. Le grain  semé dans les esprits par les mouvements de jeunesse catholiques 
						(Jeunesse Agricole Chrétienne, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, Jeunesse Etudiante Chrétienne) aboutira à la libération à 
						de belles moissons.
 
 
 
 
						Conclusion                                                                                  
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						Cette évocation sommaire d'un courant de pensée et d'action qu'on peut baptiser "démocrate d'inspiration chrétienne" 
						(il n'a jamais été un mouvement "confessionnel", étroitement dépendant de l'Eglise et de la pratique religieuse) met 
						en lumière sa continuité et sa persistance au travers des péripéties de l'histoire. A-t-il aujourd'hui disparu ? les 
						apparences sont souvent trompeuses. D'abord il ne se réduit pas à un parti. Aujourd'hui l'héritage du "Sillon" et du 
						MRP déborde les frontières de la gauche et de la droite. D'autre part et surtout ceux que l'on appelle sommairement des 
						"démocrates chrétiens" "venaient, comme le dit Pierre-Henri Teitgen, d'une longue histoire au cours de laquelle ils 
						avaient surgi, puis disparu, comme un ruisseau qui, à quelques kilomètres de sa source, devient souterrain puis revient 
						en surface pour disparaître à nouveau et réapparaître".
 La démocratie d'inspiration chrétienne n'a pas dit son dernier mot.
 
 
						Jacques Mallet
					 
						Président de l'Amicale du MRPAncien député européen (1984 à 1989)
 Ancien chargé des Relations internationales
 au Secrétariat Général du MRP (de 1952 à 1958)
 Ancien Vice-Président de l'Union Européenne des
 Démocrates Chrétiens (1990 à 1999)
 
 
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